On parle de plus en plus de trame noire (ou brune) pour compléter les trames vertes et bleues. L’objectif est de limiter la dégradation et la fragmentation des habitats dues à l’éclairage artificiel. Cela passe notamment par la mise en place d’un réseau écologique formé de réservoirs et de corridors propices à la biodiversité nocturne. On fait le point sur cette notion.
Les conséquences de la pollution lumineuse
L’excès d’éclairage artificiel ne se limite pas à la privation de l’observation du ciel étoilé (1/3 de l’humanité ne peut plus contempler la Voie lactée). Il a également diverses conséquences environnementales :
Gaspillage énergétique
Selon le Ministère de la transition écologique et solidaire, l’éclairage public correspond à 41 % de la consommation d’électricité des communes et émet annuellement 670 000 tonnes de CO2.
Effet néfaste sur la Santé
L’altération du cycle jour/nuit diminue la quantité et la qualité de notre sommeil. En effet, la lumière à courte longueur d’onde (lumière blanche bleutée de LED standard) impacte notre cycle circadien.
Perturbation de la biodiversité
Effet d’éblouissement, lésion des yeux non adaptés, effets attractifs ou répulsifs de la lumière, etc. : l’éclairage nocturne a une incidence forte sur la biodiversité. D’autant plus que 64% des invertébrés et 28% des vertébrés sont des animaux nocturnes ou crépusculaires (Sordello, 2019). Cette pression sur la biodiversité engendre ainsi des dérèglements sur l’ensemble de l’écosystème :
- Modification du système proie-prédateur,
- Perturbation des cycles de reproduction de la faune et de la flore,
- Perturbations des migrations…
De plus, la lumière à un effet barrière pour certaines espèces et peut être assimilable à une infrastructure infranchissable. La notion de « trame noire » consiste à enrayer cette fragmentation en constituant un réseau écologique propice à la biodiversité nocturne.
De la trame noire à la gestion de l’éclairage
Lors de son émergence en 2007, la trame verte et bleue (TVB) a marqué une évolution majeure dans les politiques de protection de la nature, de par sa thématique (fragmentation/connectivité) et son approche transversale. Même si la pollution lumineuse est peu mise en avant dans le cadrage national de la TVB en vigueur, des initiatives ont émergé à l’échelle locale pour prendre en compte cette problématique.
- Définition de stratégies de gestion différentiée de l’éclairage (variation de la densité des points lumineux, réduction des durées d’éclairage, etc. en fonction des besoins),
- Intégration de préconisations concernant l’éclairage dans les documents de planification urbaine (emplacement, puissance, spectre, durée, etc. / exemple : Choisir une lumière à spectre orangé plutôt qu’une lumière blanche beaucoup plus impactante),
- Sensibilisation des promoteurs et constructeurs pour l’application de préconisations concernant l’éclairage,
- Etc.
Ses initiatives doivent prendre en considération les conflits d’intérêt entre enjeux environnementaux, économiques et sociaux. Par exemple, il est indispensable d’associer les riverains dès le début des projets de mise en place d’une trame noire.
Exemple d’application : la trame noire de Nantes métropole
Pour répondre à ces enjeux, la métropole de Nantes a élaboré son Schéma de Cohérence d’Aménagement Lumière. L’un des volets principaux est l’implication citoyen au travers de débats sur la transition énergétique et l’éclairage.
Une étude exploratoire, menée avec le Cerema, a permis d’identifier la trame noire du territoire. Grâce à cela, des préconisations ont pu être faites au sein du Plan Local d’Urbanisme Métropolitain (PLUM). Le renouvellement des équipements liés à l’éclairage a été ciblé en priorité sur ces zones de continuités écologiques, avec des actions menées au cas par cas (éclairage vers le bas uniquement, extinction de la lumière à partir d’une certaine heure, utilisation de spectre orangé moins impactant, etc.)
Au carrefour des enjeux d’aménagement du territoire, de préservation de la biodiversité et d’économies d’énergie, la trame noire est ainsi propice à développer des projets de territoire aux multiples bénéfices.
Pour aller plus loin : Conférence publique ARB îdF « Pollution lumineuse et biodiversité : comment mettre en œuvre une trame noire ? »
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